L’intrigue :


Les cinéphiles du monde entier connaissent Samuel Fuller, l’immense réalisateur américain à qui l’on doit les chefs-d’oeuvre Le Port de la drogue (1953), Shock Corridor (1963) ou Dressé pour tuer (1982). Toutefois, beaucoup de gens ignorent les multiples facettes de cet homme : journaliste d’investigation à l’adolescence ; pigiste parcourant les routes des États-Unis ; scénariste et réalisateur provocateur à Hollywood ; mais aussi cinéaste exilé en France et héros de guerre…

 

 

Mon père, ce héros


Étrange expérience que ce A Fuller Life. Réalisé par la fille du cinéaste, ce documentaire disponible en vidéo nous offre un regard complice sur le parcours de l’iconoclaste Samuel Fuller. Parcours et non carrière, car son expérience de réalisateur n’est en réalité qu’une infime partie de la vie trépidante que cet Américain né en 1912 aura passé sur cette Terre. Nous fixant de son regard bleu acier qu’elle tient de son père, Samantha Fuller nous ramène dans cette pièce déjà visitée en 1996 par Tim Robbins et Quentin Tarantino dans La Machine à écrire, le fusil et le cinéaste d’Adam Simon. Derrière la porte sur laquelle est inscrit le nom du grand Sam, un bureau se dissimule sous un bric-à-brac de souvenirs rassemblés, une véritable montagne d’objets en tout genre, chacun recelant une anecdote passionnante sur le cinéaste disparu il y a vingt ans.

A FULLER LIFE_WILLIAM FRIEDKIN

C’est dans ce sacro-saint lieu que la documentariste a invité un solide casting pour nous faire un peu de lecture. Pas n’importe qui, ni m’importe quoi, bien entendu. Amis, confrères, acteurs et actrices… Ceux qui ont partagé un tournage ou un moment certain avec Samuel Fuller ont répondu présent pour nous citer plusieurs pages de ses mémoires. L’exercice est assez périlleux sur le papier. Rendre cinématographique une lecture n’est guère aisé. Et pourtant ! A Fuller Life est une curieuse plongée dans cette vie bien remplie et hors du commun et celles et ceux étrangers à Samuel Fuller y apprendront beaucoup de choses : sa jeunesse difficile de vendeur de journaux puis à vouloir être un pigiste à errer dans les morgues new-yorkaises ou à parcourir l’Amérique plongée dans la crise de 1929, son engagement dans la Première division d’infanterie – la fameuse Big Red One à qui il consacrera l’un de ses plus grands films – après l’attaque de Pearl Harbor par pur intérêt journalistique ou sa trajectoire de cinéaste indépendant en parallèle d’Hollywood, après être revenu de l’enfer des combats et de l’ouverture d’un camp de concentration.

A FULLER LIFE_BILL DUKEQui aura déjà lu son autobiographie Un Troisième visage publiée en 2002 ou vu le cinéaste en interview découvrira ce personnage inimitable et à la gouaille extraordinaire. Wim Wenders, Tim Roth ou Robert Carradine reprennent même ce large cigare à l’écran, véritable symbole de Samuel Fuller. L’un des meilleurs passages reste l’intervention de l’acteur Bill Duke, s’efforçant de reprendre le phrasé typique du cinéaste, alors qu’il aborde sa confrontation comme reporter avec le Khu Klux Klan à Little Rock. Dommage que Mark Hamill ait laissé passer l’occasion, connaissant ses talents d’imitateurs. Car Samuel Fuller ce sont des images, mais ce sont aussi des mots. Ces derniers, très directs, savent nous atteindre en plein cœur, en particulier lorsque la mort rôde.

Le seul regret de A Fuller Life serait que le documentaire se limite trop strictement à son exercice. Certes illustré par des extraits et images tirés des archives personnelles de Samuel Fuller, il aurait été plus fécond encore de permettre aux différents intervenants de s’exprimer davantage sur leur relation avec le cinéaste ou sur les morceaux choisis de son autobiographie que Samantha Fuller leur a attribué, à l’instar de ces instants volés en off à Wenders ou Hamill lors du générique de fin. Malgré cela, son film est une très belle pensée adressée à son père, afin d’entretenir sa mémoire et de susciter des vocations chez les générations après celle de James Franco.

A Fuller Life est disponible en DVD et Blu-ray chez Carlotta avec en bonus Dogface, l’épisode pilote d’une série sur une escouade américaine combattant en Afrique du nord durant la Seconde Guerre mondiale.

3D A FULLER LIFE BD DEF

Catégories : Critiques

1 commentaire

Conversation avec Samantha Fuller – Revus et Corrigés · 17 janvier 2018 à 18 h 41 min

[…] la réalisatrice de A Fuller Life (lire notre critique), nous nous retrouvons dans la cafétéria de la Cinémathèque, lovés dans le seul duo de […]

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Revus & Corrigés

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading